Tintin, Hergé et le cinéma (2011)

 

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"Indipensable sur le sujet."

D. Cerbelaud et O. Roche ("Tintin, bibliographie d'un mythe")

 
"Films fixes, poupées animées image par image, dessins animés, films et aujourd'hui « motion capture » en 3D, Tintin aura tout expérimenté. Dès les premiers albums, la cinéphilie d'Hergé transparaissait au détour de nombreuses références (de Hitchcock à King Kong...) ou par le choix du langage visuel (travelling, gros plan, zoom). Pas étonnant que des cinéastes tels que Alain Resnais, Roman Polanski, Jean-Pierre Jeunet, Bruno Podalydès, Peter Jackson et bien sûr Steven Spielberg soient des lecteurs de Tintin et n'hésitent pas à y faire allusion dans leurs films.

Certains se sont inspirés de l'univers d'Hergé sans l'adapter tout à fait comme Philippe de Broca avec L'Homme de Rio (1964) ou déjà Steven Spielberg avec sa tétralogie Indiana Jones (1981-2008). D'autres ont voulu faire vivre le personnage à l'écran comme Jean-Jacques Vierne avec "Tintin et le mystère de la toison d'or", incarné par Jean-Pierre Talbot. Le studio bruxellois Belvision de Raymond Leblanc a, quant à lui, réalisé des dessins animés pour la télévision, puis pour le cinéma avec "Le Temple du soleil" (1969) et "Le Lac aux requins" (1972). Tintin s'est à nouveau animé sur le petit écran dans les années 1990, relançant le succès des albums de façon spectaculaire.

Dans son essai, Philippe Lombard, aborde toutes les facettes de la relation originelle et admirative qu'Hergé enretient durant toute sa vie avec le cinéma. Il pose un regard personnel et érudit qui met brillamment en perspective le film tant attendu de Steven Spielberg.

Avec "Le Secret de la Licorne" de Steven Spielberg, premier opus d'une trilogie, Tintin fait un retour spectaculaire sur les écrans. L'occasion de revenir sur sa carrière cinématographique et sur les liens qu'il a toujours entretenus avec le 7e Art."

Democratic Books  (22 septembre 2011)

 

L'innocence perdue des premiers Tintin (Le Soir)

DANIEL COUVREUR

vendredi 21 octobre 2011

Si Hergé dessinait un bateau, « il voulait que ce soit un vrai bateau », écrit Philippe Lombard. Voilà pourquoi Tintin n'a jamais été à l'aise dans un dessin animé…

Le journaliste français Philippe Lombard est fan de la Panthère rose, James Bond… et Tintin. C'est aussi un fondu de cinéma, passion qu'il partage sur le site Histoires de tournages. Son livre est au carrefour de ces deux mondes. Le héros d'Hergé n'a jamais été trop à l'aise sous les sunlights. Le vocabulaire graphique de son créateur était pourtant très cinéma et tourné vers l'action. L'essai de Philippe Lambert explore les coulisses de la relation d'amour-haine entre Tintin et ciné.

Pour le lecteur de BD, le trait d'Hergé semble très proche du langage cinéma. Une illusion, finalement ?

L'influence du cinéma est plutôt inconsciente chez Hergé. Il avait sa propre façon de raconter qui n'est pas celle d'un réalisateur. Evidemment, on peut faire des parallèles : zooms, travellings, effets de caméra subjective dans les cases. Mais je crois qu'il avait tout simplement ces éléments en lui. Ce n'était pas fabriqué pour faire « comme à l'écran ». Le cinéma lui a inspiré des trouvailles visuelles. Dans une rencontre avec Hergé, le cinéaste Yves Robert lui disait que Tintin et les Picaros était une bible du vocabulaire cinématographique et l'auteur avait répondu « Oui, je fais du cinéma sans le savoir ».

Contrairement à Peyo ou Goscinny et Uderzo, Hergé ne s'est jamais impliqué directement dans les projets de dessins animés, pourquoi ?

Il avait compris l'impact que peut avoir le cinéma pour la notoriété d'un personnage et avait écrit personnellement à Disney dès 1948. Mais devant le refus poli de Disney d'adapter Tintin en dessin animé, il se désintéressa des projets d'animation. Il laissa Raymond Leblanc, patron du journal Tintin et des studios Belvision, gérer ces projets avec Bob De Moor, principal collaborateur des Studios Hergé. Le dessin animé ne correspondait pas à son tempérament. Quand Hergé dessinait un bateau, il voulait que ce soit un vrai bateau. Le film permettait de se rapprocher au plus près de cet idéal réaliste. Hergé était plus intéressé par les films live. Il a relu avec passion les scénarios de Tintin et le mystère de la Toison d'or et de Tintin et les oranges bleues mais a été déçu du résultat à l'écran de ces productions à petit budget. Avec le coup de téléphone de Spielberg en 1982, il était fier que l'Amérique s'intéresse enfin à son œuvre et prêt à accorder au créateur des Aventuriers de l'Arche perdue toute liberté.

Le meilleur film de Tintin restait à faire, avant que Spielberg ne décide de tourner ce « Secret de la Licorne » ?

Le Mystère de la Toison d'or, un bon film, compte tenu des moyens et de l'époque, a l'innocence des premiers Tintin. Après, on l'a perdue. Les meilleurs films de Tintin sont peut-être ceux où il ne joue pas : L'Homme de Rio, qui est selon Philippe De Broca, un hommage à l'œuvre d'Hergé, où l'on n'a pas besoin de chercher la vraisemblance du personnage ni le rapport avec le dessin des albums. Je citerai aussi Les Aventuriers de l'Arche perdue. Spielberg n'avait pas lu Tintin à l'époque mais avait vu… L'Homme de Rio ! Trente ans après, la boucle est bouclée. C'est le signe chez lui d'une vraie passion.

 

Tintin au cinéma: beaucoup d'appelés, peu d'élus (AFP)

Par Anne CHAON – 26 oct. 2011 

PARIS — Avant Steven Spielberg, de nombreux cinéastes comme Alain Resnais ou le commandant Cousteau, ont été tentés de transposer les tribulations de Tintin sur grand écran, sans aboutir, tandis que les deux seules expériences n'ont rencontré qu'un succès moyen dans les années 60.

La toute première tentative, "Le Crabe aux pinces d'or" en 1947, met en scène des poupées de chiffon réalisées et animées par un couple belge: l'unique projection à Bruxelles fait salle comble mais le producteur, en délicatesse avec la justice, prend la fuite.

L'année suivante, Hergé reprend l'initiative: il contacte Walt Disney et lui envoie huit de ses albums en lui proposant de se charger de leur adaptation.

"A l'époque, un agent du studio lui a répondu que le calendrier était bouclé pour cinq ans, sans qu'on sache si le sujet leur plaisait ou non. Peut-être le graphisme était-il trop réaliste pour l'époque", rapporte à l'AFP Philippe Lombard, qui signe un "Tintin, Hergé et le Cinéma" (éd. Democratic Books).

Tintin, créé en 1929, a alors vingt ans.

La deuxième tentative de rapprochement avec Hollywood a lieu dix ans plus tard en 1959: le créateur de "Bozo le Clown", le producteur Larry Harmon, vient rencontrer Hergé à Bruxelles avec un premier pilote sous le bras.

Philippe Lombard raconte, citant un témoin : "un personnage qui a la houppe de Tintin et un sweat-shirt marqué d'un énorme T se tourne vers le spectateur et dit +Hi! my name is Tintin!+". Dans le noir une voix ordonne: "Coupez!".

Horrifié, Hergé tue l'affaire en moins de 45 secondes.

Le commandant Jacques Cousteau écrit à son tour au créateur de Tintin pour lui proposer d'adapter "Le Secret de la Licorne" et "Le Trésor de Rackam le Rouge": "ce qui l'intéressait c'était le sous-marin" dans ce dernier volume.

C'est finalement dans la vieille Europe que le premier projet prend corps. André Barret, qui a amassé une petite fortune avec sa revue "Connaissance des Arts", propose à Hergé de produire un Tintin dont il écrit le scénario avec Remo Forlani.

Droit de regard

Le réalisateur Philippe de Broca est contacté, puis Alain Resnais qui vient de boucler "Hiroshima mon amour": mais il veut tourner intégralement en studio pour coller au graphisme des albums. Trop cher.

C'est finalement un ancien assistant de Jules Dassin, Jean-Pierre Vienne, qui réalise le premier long métrage (sans compter les dessins animés), "Le Mystère de la toison d'Or" en 1961.

Tintin est incarné par un jeune moniteur de sport rencontré sur une plage, Jean-Pierre Talbot, qu'on retrouvera dans "Les Oranges bleues" (1964): "Il était très content d'être longtemps le seul Tintin", relève Philippe Lombard.

Hergé, qui a toujours voulu garder le contrôle ou au moins un droit de regard sur les versions cinématographiques de son héros, recherchait avant tout "la qualité", insiste-t-il.

Aussi quand Spielberg le contacte en 1983, il reçoit un accueil enthousiaste. Un premier scénario ne satisfait personne: "l'histoire était très américanisée, Moulinsart situé en Angleterre, Tintin avait perdu sa houppe et la Castafiore embrassait fougueusement le capitaine Haddock". Sacrilège.

L'histoire traîne, Spielberg envisage de confier la réalisation à Roman Polanski, puis abandonne le projet.

"Spielberg n'arrivait pas à trouver l'acteur pour jouer Tintin. Ce qui a tout changé, c'est l'arrivée de la motion capture", cette technologie qui permet de filmer des acteurs réels, et de les fondre ensuite dans un univers virtuel.

"Les aventures de Tintin" en 3D étaient lancées: Spielberg, qui avait réalisé "Les Aventuriers de l'Arche perdue" avant de découvrir Tintin annonce son ambition: faire un "Indiana Jones for kids".

 

 

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