On le sait, François Mitterrand appréciait particulièrement la série "Dallas" (sa fille Mazarine en avait même rejoué une scène avec lui). Dans son livre de souvenirs, "Au service du président" (Michel Lafon, 1999), le gendarme Christian Prouteau, en charge de la protection rapprochée, raconte cette étonnante anecdote :
Après avoir visité l'école des officiers de gendarmerie de Melun, le président va prendre le Mystère 50 qui l'attend à l'aéroport de Ville-Laroche pour se rendre à Latche. Une cinquantaine de personnes -civils et militaires- attendent que l'avion décolle.
"A une centaine de mètres de nous, le Mystère 50 (...) a commencé à accélérer, puis tout à coup a freiné et s'est arrêté. Nous nous sommes tous figés un peu plus (si c'est possible !) sans que personne n'ose demander ce qui se passait. La porte de l'avion s'est ouverte, et l'on a vu apparaître le Président, qui faisait de grands gestes dans notre direction. Etonnement, hésitations : qui donc avait l'honneur d'être hélé de la sorte ? Finalement, François de Grossourve a pris l'initiative : il est parti en trottinant vers l'avion. Nous l'avons vu discuter quelques instants avec François Mitterrand avant de se tourner vers nous pour faire, lui aussi, de grands signes. Tout le monde se regardait avec perplexité. Qui était convoqué ? Pensant qu'il s'agissait peut-être d'un problème de sécurité, je levai la main, comme à l'école. François de Grossourve m'a fait "oui" de la tête. Je suis parti à mon tour en courant vers l'avion, pendant que le conseiller amorçait un retour, toujours trottinant. Nous nous sommes croisés sur le parcours.
-Qu'est-ce qu'il veut ?
-Je ne sais pas ! Allez voir, il désire vous parler...
Il devait sans doute s'agir de quelque chose d'important, j'ai parcouru les derniers mètres à toute allure.
-Vous vouliez me voir, monsieur le Président ?
-Oui, commandant. Est-ce que vous pouvez m'enregistrer "Dallas", ce soir ?
Je me suis demandé si j'avais bien entendu.
-Oui, monsieur le Président.
-Merci. Mais dépêchez-vous, ça commence à 19 heures.
J'ai regardé ma montre : il était 18h50... Je me suis mis au garde-à-vous, jusqu'à ce que l'avion s'éloigne. Je sentais, derrière mon dos, cinquante regards inquiets et admiratifs pointés sur moi. Ils devaient tous penser que j'étais chargé d'une mission de la plus haute importance, je ne pouvais pas les décevoir ! Une fois réprimée mon envie de rire, j'ai fait demi-tour et suis reparti en courant, tâchant de prendre un air de circonstance. Personne n'a osé me demander la moindre explication.
-Colonel ! Pouvez-vous me fournir un véhicule, j'ai un appel urgent à passer.
-Bien sûr, mon commandant.
Le colonel m'a donné sa Jeep, et j'ai filé au PC de la base. Pour préserver la confidentialité de ma mission, on m'a laissé seul dans un bureau : je pouvais enfin appeler ma femme pour lui demander d'enregistrer "Dallas"! Et comme je sais qu'il faut toujours assurer ses arrières, j'appelai aussi la permanenece du GSPR, pour qu'ils en fassent autant."