Juillet 1969. Cette date n'apparaît pas dans l'histoire de la Guerre froide et pourtant, elle est d'importance. Car, après la victoire de Kennedy sur Khrouchtchev à Cuba, Georges Marchais a voulu prendre sa revanche en se frottant en France à... John Wayne ! Au figuré, bien entendu... Mano a mano, cela aurait été certainement une autre histoire.
Mais que s'est-il passé ? Fin juillet, la Fox distribue sur les écrans français Les Bérets verts, un film produit, réalisé et interprété par John Wayne visant à justifier l'intervention américaine au Vietnam. C'est une idée du "Duke" en personne, traumatisé par une visite sur le campus de l'université de Californie du Sud, où il a vu des étudiants s'en prendre verbalement à un Marine qui avait perdu un bras dans le conflit. Il prit alors son téléphone et appela tout simplement Lyndon Johnson. « J'ai dit au Président que je sentais qu'il était important que le peuple des États-Unis et ceux du monde entier comprennent pourquoi il était nécessaire pour les Américains d'être au Vietnam. Et j'ai eu le soutien du gouvernement pour faire le film. » Cependant, ce soutien n'est pas gratuit et la production n'obtient rien du Department of Defense et du Pentagone sans payer. Pas un "film d'état", donc.
Le film sort en France, alors qu'à Paris se déroule la Conférence qui doit mener à des accords de paix au Vietnam. « Les Bérets verts doivent être interdits » titre rageusement L'Humanité. Le secrétaire général du Parti Communiste, Georges Marchais, adresse une lettre ouverte au premier ministre Jacques Chaban-Delmas, lui demandant de faire cesser l'exploitation du film, qui « fait l'apologie des forces spéciales américaines dont l'action est présentée sous l'angle « humanitaire » et au service de la « liberté ». Or, chacun sait que le demi-million de troupes américaines (…) transforme le Sud-Vietnam en ruines, tuant enfants, femmes, vieillards, emprisonnant et torturant des centaines de milliers de Vietnamiens à qui l'on reproche de lutter pour l'indépendance de leur patrie et la liberté.
Au moment où se tient à Paris la Conférence, la projection d'un tel film constitue une insulte et une provocation à l'endroit des délégations officielles de la République Démocratique du Vietnam et du Gouvernement Révolutionnaire Provisoire de la République du Sud-Vietnam.
Il est inadmissible que le gouvernement français tolère une telle provocation sans renier ses déclarations sur sa volonté de contribuer à mettre fin au conflit vietnamien. (...) Au nom du Comité National d'Action pour le Soutien et la Victoire du Peuple Vietnamien, nous vous demandons, Monsieur le Premier Ministre, de bien vouloir prendre les mesures pour que, comme cela a été fait dans d'autres pays, cesse immédiatement la projection du film américain "Les Bérets Verts"."
Matignon ne donnera pas de suites à cette affaire et le film fera un peu plus d'un million d'entrées en France. Mais le coup de gueule de Marchais n'aura pas été sans conséquences sur l'exploitation car à Tarbes, Sète, Bordeaux ou Caen, Les Bérets Verts est tout simplement interdit de projection, soit par l'action de la CGT, soit par des arrêtés municipaux de maires communistes.
[Pour approfondir le sujet sur les coulisses des "Bérets verts", rendez-vous sur mon site "Histoires de tournages"]