La 42e cérémonie des Césars, qui aura lieu le 24 février, va rendre hommage à Jean-Paul Belmondo, en sa présence. Un choix pour le moins étonnant, quand on connaît les réticences pour ne pas dire l'hostilité de l'acteur envers cette institution créée en 1976.
Pendant longtemps, chacun est resté dans son coin. Les votants ignoraient Bébel, qui ne venait pas. Aussi simple que cela. Depuis son bras d'honneur adressé au jury du Conservatoire qui lui avait consenti un "rappel de premier accessit" quand le public le portait aux nues, Belmondo se montre... comment dire... méfiant à l'égard des récompenses en tous genres. Les seules nominations aux Césars qui avaient pu le concerner étaient celles dont avaient bénéficié "L'Animal" et "Le Professionnel" dans la catégorie "meilleure musique". Pas de quoi chambouler ses convictions ni son emploi du temps...
Et puis patatra ! Belmondo met fin à ses films d'action et interprète un homme d'affaires décidant de se faire passer pour mort aux yeux du monde dans "Itinéraire d'un enfant gâté" de Claude Lelouch. La prestation est géniale et reconcilie le "métier" avec la star. Il est alors nominé pour le César 1989 du meilleur acteur aux côtés de Daniel Auteuil pour "Quelques jours avec moi", de Jean-Marc Barr pour "Le Grand Bleu", de Gérard Depardieu dans "Camille Claudel"... et de Richard Anconina pour "Itinéraire d'un enfant gâté" !
Aussi sec, Belmondo rédige un communiqué de presse pour mettre les choses au point : "Je remercie les professionnels du cinéma qui ont porté leur choix sur mon nom en vue de la nomination au César du meilleur acteur. A cette occasion, je tiens à rappeler la position qui a toujours été la mienne concernant ce vote auquel je n'ai d'ailleurs jamais participé. Je pense que le public est le seul jury qui puisse nous accorder des distinctions, car nous n'existons que par lui et que pour lui et je me suis toujours efforcé de recueillir ses suffrages. L'unique prix décerné par une Académie que j'aurais aimé obtenir c'est celui du Conservatoire, je crois qu'il est maintenant un peu tard. J'ai beaucoup de respect et d'admiration pour les lauréats des Césars et je demande à mes amis professionnels de reporter sur les autres nommés les voix qu'ils pourraient me destiner."
A l'instar d'Alain Delon, lauréat du prix en 1985 pour "Notre histoire" de Bertrand Blier (et absent lors de la cérémonie), Belmondo s'en tamponne, donc. Mais, tout de même, il regarde d'un oeil distrait la retransmission de la cérémonie à la télévision. Malgré un hommage émouvant à Bernard Blier et l'interprétation du thème de "Borsalino" par Claude Bolling et son Big Band, la soirée ne le passionne pas et... il va s'allonger ! Une heure plus tard, il apprend qu'il a remporté le César ! Il n'a donc pas vu la moue de Louis Malle en constatant son absence ni entendu son commentaire désabusé : "Jean-Paul n'est pas venu, il n'a pas pu venir, il n'a pas de smoking. Il a 297 blousons mais il n'a pas de smoking et Georges Cravenne va venir chercher le prix à sa place." Le créateur des Césars arrive en effet et dit "juste deux mots mais sans aucun caractère polémique vis-à-vis de Belmondo. En rendant hommage à sa magnifique performance dans le très beau film de Claude Lelouch, la profession rejoint les suffrages du public. Ce César appartient à Belmondo, je l'emmène, il est à sa disposition au siège de l'Académie des Arts et Techniques du cinéma." Il y est sans doute toujours !
Au Fouquet's, après la cérémonie, Cravennes reconnaît, poussé dans ses retranchements par William Leymergie, qu'"en mémoire de son père, il est difficile à Jean-Paul Belmondo d'accepter une récompense qui porte le nom d'un sculpteur que son père n'aimait pas beaucoup." Et en effet, l'hostilité de l'acteur à l'égard des Césars s'explique aussi en partie à cause de cela. Bébel se souvient comment César avait attaqué Paul Belmondo après son entrée manquée à l'Académie des beaux-arts et ne lui a jamais pardonné. Et de préciser : "Ils ne faisaient pas le même métier. L'un était sculpteur, l'autre est compresseur." Toc toc badaboum !
Lors de son interview, Cravennes fait ce voeu pieu : "J'espère qu'un jour, il acceptera qu'on lui remette un César d'honneur." Ce n'est pas gagné mais le Professionnel a accepté l'hommage de l'Académie. Enfin une bonne raison de regarder les Césars !
Sources : "Belmondo" de Philippe Durant, "Paris Match" du 16 mars 1989, Ina.