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Le 23/02/2017
La 42e cérémonie des Césars, qui aura lieu le 24 février, va rendre hommage à Jean-Paul Belmondo, en sa présence. Un choix pour le moins étonnant, quand on connaît les réticences pour ne pas dire l'hostilité de l'acteur envers cette institution créée en 1976.
Pendant longtemps, chacun est resté dans son coin. Les votants ignoraient Bébel, qui ne venait pas. Aussi simple que cela. Depuis son bras d'honneur adressé au jury du Conservatoire qui lui avait consenti un "rappel de premier accessit" quand le public le portait aux nues, Belmondo se montre... comment dire... méfiant à l'égard des récompenses en tous genres. Les seules nominations aux Césars qui avaient pu le concerner étaient celles dont avaient bénéficié "L'Animal" et "Le Professionnel" dans la catégorie "meilleure musique". Pas de quoi chambouler ses convictions ni son emploi du temps...
Et puis patatra ! Belmondo met fin à ses films d'action et interprète un homme d'affaires décidant de se faire passer pour mort aux yeux du monde dans "Itinéraire d'un enfant gâté" de Claude Lelouch. La prestation est géniale et reconcilie le "métier" avec la star. Il est alors nominé pour le César 1989 du meilleur acteur aux côtés de Daniel Auteuil pour "Quelques jours avec moi", de Jean-Marc Barr pour "Le Grand Bleu", de Gérard Depardieu dans "Camille Claudel"... et de Richard Anconina pour "Itinéraire d'un enfant gâté" !
Aussi sec, Belmondo rédige un communiqué de presse pour mettre les choses au point : "Je remercie les professionnels du cinéma qui ont porté leur choix sur mon nom en vue de la nomination au César du meilleur acteur. A cette occasion, je tiens à rappeler la position qui a toujours été la mienne concernant ce vote auquel je n'ai d'ailleurs jamais participé. Je pense que le public est le seul jury qui puisse nous accorder des distinctions, car nous n'existons que par lui et que pour lui et je me suis toujours efforcé de recueillir ses suffrages. L'unique prix décerné par une Académie que j'aurais aimé obtenir c'est celui du Conservatoire, je crois qu'il est maintenant un peu tard. J'ai beaucoup de respect et d'admiration pour les lauréats des Césars et je demande à mes amis professionnels de reporter sur les autres nommés les voix qu'ils pourraient me destiner."
A l'instar d'Alain Delon, lauréat du prix en 1985 pour "Notre histoire" de Bertrand Blier (et absent lors de la cérémonie), Belmondo s'en tamponne, donc. Mais, tout de même, il regarde d'un oeil distrait la retransmission de la cérémonie à la télévision. Malgré un hommage émouvant à Bernard Blier et l'interprétation du thème de "Borsalino" par Claude Bolling et son Big Band, la soirée ne le passionne pas et... il va s'allonger ! Une heure plus tard, il apprend qu'il a remporté le César ! Il n'a donc pas vu la moue de Louis Malle en constatant son absence ni entendu son commentaire désabusé : "Jean-Paul n'est pas venu, il n'a pas pu venir, il n'a pas de smoking. Il a 297 blousons mais il n'a pas de smoking et Georges Cravenne va venir chercher le prix à sa place." Le créateur des Césars arrive en effet et dit "juste deux mots mais sans aucun caractère polémique vis-à-vis de Belmondo. En rendant hommage à sa magnifique performance dans le très beau film de Claude Lelouch, la profession rejoint les suffrages du public. Ce César appartient à Belmondo, je l'emmène, il est à sa disposition au siège de l'Académie des Arts et Techniques du cinéma." Il y est sans doute toujours !
Au Fouquet's, après la cérémonie, Cravennes reconnaît, poussé dans ses retranchements par William Leymergie, qu'"en mémoire de son père, il est difficile à Jean-Paul Belmondo d'accepter une récompense qui porte le nom d'un sculpteur que son père n'aimait pas beaucoup." Et en effet, l'hostilité de l'acteur à l'égard des Césars s'explique aussi en partie à cause de cela. Bébel se souvient comment César avait attaqué Paul Belmondo après son entrée manquée à l'Académie des beaux-arts et ne lui a jamais pardonné. Et de préciser : "Ils ne faisaient pas le même métier. L'un était sculpteur, l'autre est compresseur." Toc toc badaboum !
Lors de son interview, Cravennes fait ce voeu pieu : "J'espère qu'un jour, il acceptera qu'on lui remette un César d'honneur." Ce n'est pas gagné mais le Professionnel a accepté l'hommage de l'Académie. Enfin une bonne raison de regarder les Césars !
Sources : "Belmondo" de Philippe Durant, "Paris Match" du 16 mars 1989, Ina.
Un coup d’œil au "Paris de Michel Audiard"...
Le 22/01/2017
Le 2 février sortira "Le Paris de Michel Audiard" chez Parigramme. Un beau projet qui m'a été proposé par l'éditeur et que j'ai accepté dans la seconde... Je vous propose de feuilleter cet ouvrage au son de la musique des "Tontons flingueurs" :
Le 11/01/2017
En 1958, à l'occasion d'une critique du film anglais La Marque (le premier Quatermass) dans la revue Arts, François Truffaut fait le procès de la science-fiction et même des amateurs de science-fiction qu'il accuse de tous les maux. Une attaque en règle (qui renvoie aux diatribes anti-rock'n'roll ou anti-comic books) de la part du futur réalisateur de Fahrenheit 451 et de l'acteur de Rencontres du troisième type... Morceaux choisis.
« Comment analyser la méfiance instinctive que m'inspirent les fanas de science-fiction ? Je ne puis m'empêcher de penser qu'il faut bien de la sécheresse, de l'insensibilité et de la pauvreté d'imagination pour s'en aller chercher du côté des Martiens une fantaisie, une poésie, une émotion qui sont chez nous, sur la terre, à portée de main, de regard et de cœur, quotidiennes, éternelles.
Toute belle et grande œuvre est sa propre science-fiction ; les personnages de Fellini ou de Hitchcock sont des Martiens, sans accessoires peut-être, mais d'une telle féerie, si loin de nous et tout à la fois si proches qu'ils satisfont pleinement nos besoins d'évasion, de merveilleux et de fantastique. Du reste, les amateurs de science-fiction, conscients de l'extrême fragilité des romans ou des films basés sur une « bonne idée », une trouvaille, un postulat, avouent que l'intérêt commence où les sentiments apparaissent, c'est à dire lorsque la bête, la chose, la forme s'humanise, souffre et réagit sentimentalement, donc lorsque l'entreprise débouche sur nos canevas habituels et que le fantastique ne s'exprime plus que dans les apparences charnelles, vestimentaires, etc.
Les amateurs de science-fiction sont racistes sans le savoir, à la manière de ces femmes frigides qui cherchent le plaisir impossible dans des bras colorés, broyant du noir sous le faux alibi de la curiosité ethnique. (…) Ils m'apparaissent suspects dans leur quête désespérée d'une fantaisie aussi fausse que la vérité recherchée par les fanatiques de films strictement documentaires. (…)
Assis entre deux chaises, blasé sur la fiction, trop paresseux pour s'adonner aux sciences, privé de toute curiosité humaine, stérile et desséché, incapable de rêves et dénué de fantaisie, (l'amateur de science-fiction) amorce, inconscient, une horrible métamorphose qui fera de lui bientôt une sorte de « phasme » qu'on oubliera dans un bocal confondu aux mortes brindilles auxquelles, dédaignant le cœur humain, il se sera trop exclusivement intéressé. »
Source : Arts, n°666, 16 avril 1958.
Claude Chabrol, traducteur de titres...
Le 06/01/2017
En 1955, Claude Chabrol entre comme attaché de presse à la Twentieth Century Fox. Il est notamment chargé de trouver les titres français des films distrbués en France par la firme.
"Négligeant la lettre, j'allais directement à l'esprit. Between heaven and hell, un bon film de Richard Fleischer, est devenu Le Temps de la colère. Bigger than life de Nicholas Ray, histoire d'un homme psychiquement détraqué par un médicament : Derrière le miroir. J'ai lancé deux films de Frank Tashlin avec Jayne Mansfield sous des titres voisins : La Blonde et moi (The Girl can't helpt it) et La Bonde explosive (Oh! for a man). Pour le premier, j'avais dû être influencé par Le Roi et moi, que je n'avais fait que traduire littéralement. J'eux l'audace de donner au film de Martin Ritt No down payment, un titre qui signifiait exactement le contraire : Rubis sur l'ongle. Il est sorti finalement sous l'étiquette : Les Sensuels (!).
Lorsque mon imagination restat muette, je proposais toujours Le ciel pour témoin, un titre qui convient à tous les films -- à l'exception de La Tragédie de la mine. Il était toujours refusé. La Fox l'utilisa cependant plusieurs années après mon départ pour une histoire de curé.
Peyton Place nous était chaudement recommandé par New York, mais ne m'inspirait guère. Je risquai pour la énième fois Le Ciel pour témoin, qui fut à nouveau rejeté. D'autres propositions furent déclinées. Je décidai donc d'aller voir mon patron et de lui jouer une petite comédie qui m'avait déjà tiré d'embarras.
J'entrai dans son bureau sans m'être fait annoncé, un air de triomphe sur la face.
-Ca y est, cette fois je l'ai, le titre pour Peyton Place. Il est... Je vous garantis le grand succès. ça m'est venu comme ça, d'un seul coup.
-Dites.
-Ecoutez ça : Le Souffle de l'ordure.
-Ah!...
Ascarelli parut réfléchir quelques secondes, puis il dit avec son accent italien :
-Le Soufllé dé l'ordoure. Oui, ça me parait bien. Je téléphone immédiatement au directeur de New York.
-Allô, New York. Bonjour, Monsieur. Chabrol vient de me donner un titre pour Peyton Place, un titre que je trouve formidable, fort, puissant... C'est quoi ? Lé Soufflé dé l'ordoure... Ah, bon, ah bon... Vous trouvez... Lé Soufflé dé l'ordoure, ça n'est pas possible... Non, effectivement, c'est idiot... Au revoir, Monsieur.
Peyton Place a finalement été baptisé : Les Plaisirs de l'enfer. C'était ce qui me paraissait le moins piteux. "
Source : "Et pourtant, je tourne..." de Claude Chabrol (Robert Laffont, 1976).
Le 13/12/2016
Vous cherchez des idées pour Noël ? Vous ne savez pas quoi offrir à votre père, votre tata ou votre cousin ? J'ai peut-être la solution. Quoi de mieux qu'un livre ? Les sujets sont divers mais divertissants : des répliques, James Bond, les super-héros, les Bronzés, le beau cinéma français et ses grandes stars, les Tontons flingueurs et des voitures ! Allez, bonnes fêtes !
La proposition indécente de Salvador Dali à Kirk Douglas
Le 09/12/2016
Kirk Douglas est aujourd'hui centenaire ! L'occasion d'évoquer une scène pour le moins... étonnante ? que l'acteur raconte dans ses mémoires, « Le Fils du chiffonnier » (Presses de la Renaissance, 1989).
En 1971, sur le tournage en Espagne du Phare du bout du monde, dont il partage la vedette avec Yul Brynner et Jean-Claude Drouot (oui, notre Thierry-la-fronde national !), Douglas rencontre Salvadore Dali, venu assister en voisin et en curieux aux prises de vue. Le soir même, l'artiste invite Douglas et Drouot à venir diner chez lui, à Cadaqués. Les deux acteurs sont reçus en compagnie d’une jeune femme ravissante. Après manger, Dali leur propose de leur projeter un petit film qui ne manquerait pas de les intéresser.
« Je m’installais, se souvient Kirk Douglas, impatient de voir de quoi il s’agissait : avec Dali, on n’est jamais sûr de ce qui va se passer. Les lumières s’éteignirent et le film commença. Il s’agissait d’une histoire très simple à propos d’une femme et d’une banane. Ce que faisait la femme avec cette banane, après l’avoir pelée, ne laissait plus rien à l’imagination. Puis il nous emmena dans une pièce remplie d’objets en terre cuite : des morceaux de corps humain. Visiblement, il étudiait avec soin l’anatomie. Un petit verre de Cointreau à la main, il se mit à disserter sur l’anatomie.
Puis, il prit dans ses mains quelques uns de ces objets. Etait-ce donc… Mais oui ! Il tenait un vagin en plâtre et deux pénis, au moyen desquels il nous montra qu’il était possible de faire pénétrer deux de ses organes dans un seul sexe féminin.
Tandis que Dali discourait, je jetai un regard au jeune acteur français puis à la souriante jeune femme. Rapidement, je lançais : « Ne nous en veuillez pas, mais nous allons devoir nous quitter. Nous devons nous lever très tôt demain matin pour le tournage. » Nous laissâmes un Salvador Dali passablement déçu, comme semblait déçue, me semblait-il, la jeune femme qui avait partagé notre soirée. En riant, Jean-Claude et moi évoquâmes la proposition qui venait de nous être faite.
Une fois couché, j’y songeais à nouveau. Était-ce possible ? Cette pensée m’occupa jusqu’au moment où je sombrai dans le sommeil. »
D'autres articles concernant Kirk Douglas sur mon site "Histoires de tournages" :
Kirk Douglas sur le plateau de Rambo
Frankenheimer vole un plan du Pentagone
Georges Marchais vs. John Wayne
Le 01/12/2016
Juillet 1969. Cette date n'apparaît pas dans l'histoire de la Guerre froide et pourtant, elle est d'importance. Car, après la victoire de Kennedy sur Khrouchtchev à Cuba, Georges Marchais a voulu prendre sa revanche en se frottant en France à... John Wayne ! Au figuré, bien entendu... Mano a mano, cela aurait été certainement une autre histoire.
Mais que s'est-il passé ? Fin juillet, la Fox distribue sur les écrans français Les Bérets verts, un film produit, réalisé et interprété par John Wayne visant à justifier l'intervention américaine au Vietnam. C'est une idée du "Duke" en personne, traumatisé par une visite sur le campus de l'université de Californie du Sud, où il a vu des étudiants s'en prendre verbalement à un Marine qui avait perdu un bras dans le conflit. Il prit alors son téléphone et appela tout simplement Lyndon Johnson. « J'ai dit au Président que je sentais qu'il était important que le peuple des États-Unis et ceux du monde entier comprennent pourquoi il était nécessaire pour les Américains d'être au Vietnam. Et j'ai eu le soutien du gouvernement pour faire le film. » Cependant, ce soutien n'est pas gratuit et la production n'obtient rien du Department of Defense et du Pentagone sans payer. Pas un "film d'état", donc.
Le film sort en France, alors qu'à Paris se déroule la Conférence qui doit mener à des accords de paix au Vietnam. « Les Bérets verts doivent être interdits » titre rageusement L'Humanité. Le secrétaire général du Parti Communiste, Georges Marchais, adresse une lettre ouverte au premier ministre Jacques Chaban-Delmas, lui demandant de faire cesser l'exploitation du film, qui « fait l'apologie des forces spéciales américaines dont l'action est présentée sous l'angle « humanitaire » et au service de la « liberté ». Or, chacun sait que le demi-million de troupes américaines (…) transforme le Sud-Vietnam en ruines, tuant enfants, femmes, vieillards, emprisonnant et torturant des centaines de milliers de Vietnamiens à qui l'on reproche de lutter pour l'indépendance de leur patrie et la liberté.
Au moment où se tient à Paris la Conférence, la projection d'un tel film constitue une insulte et une provocation à l'endroit des délégations officielles de la République Démocratique du Vietnam et du Gouvernement Révolutionnaire Provisoire de la République du Sud-Vietnam.
Il est inadmissible que le gouvernement français tolère une telle provocation sans renier ses déclarations sur sa volonté de contribuer à mettre fin au conflit vietnamien. (...) Au nom du Comité National d'Action pour le Soutien et la Victoire du Peuple Vietnamien, nous vous demandons, Monsieur le Premier Ministre, de bien vouloir prendre les mesures pour que, comme cela a été fait dans d'autres pays, cesse immédiatement la projection du film américain "Les Bérets Verts"."
Matignon ne donnera pas de suites à cette affaire et le film fera un peu plus d'un million d'entrées en France. Mais le coup de gueule de Marchais n'aura pas été sans conséquences sur l'exploitation car à Tarbes, Sète, Bordeaux ou Caen, Les Bérets Verts est tout simplement interdit de projection, soit par l'action de la CGT, soit par des arrêtés municipaux de maires communistes.
[Pour approfondir le sujet sur les coulisses des "Bérets verts", rendez-vous sur mon site "Histoires de tournages"]